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Transition écologique, COP 21 à 25 : quels bilans ?

publié le 13/09/2019

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CC / Légende : le soleil (énergie nucléaire et chaleur) et les forces de la mer et du vent seront les énergies de demain.

Le réchauffement planétaire est un défi qui doit être assumé par toutes les nations sans exception. À coté des vœux pieux des dirigeants, qu’en est-il exactement quand l’économie de chaque pays s’en mêle ? La réponse peut être apportée par l’analyse des «COP», ces grandes manifestations annuelles.

Nous sommes à quelques semaines de la COP 25 qui doit, comme les précédentes conférences annuelles de ce type, contrôler le respect de l’Accord de Paris de 2015 pour tenter de limiter le réchauffement climatique planétaire. Revenons sur ces diverses manifestations.

La COP 21 qui s’est tenue à Paris a été un succès pour notre pays, au moins pour son organisation sans faille. L’accord final a été difficile à mettre au point, ce qui est normal compte tenu des situations toutes différentes pour tous ces états mais il a été ratifié 6 mois avant les délais prévus !

Mais qu’en est-il des objectifs ? Trois exemples :

- L’Arabie Saoudite espère « éviter » l’émission de 130 millions de tonnes d’équivalent CO2 d’ici à 2030 (un quart de ses émissions actuelles). Mais, bien sûr, tout dépendra des rejets du royaume wahhabite à cette époque ! On voit bien qu’en termes de restrictions pures, ça ne veut rien dire !

- La Chine s’engage à ce que ses émissions de gaz à effet de serre atteignent leur plafond en 2030 au plus tard (mais : quel plafond ?)

- Les Japonais veulent baisser leurs rejets de CO2 en misant sur l’hydrogène comme combustible. Mais ils font produire ce gaz par les Australiens qui utilisent pour cela le lignite, le plus sale des charbons (tout comme les Allemands qui remplacent leurs réacteurs nucléaires par des centrales à lignite et polluent ainsi l’Europe comme l’a montré Greenpeace !) puis doivent bien sûr le transporter jusque chez eux : cela leur permet bien de diminuer leurs rejets de CO2 au Japon mais, puisque c’est un problème planétaire, cherchez l’erreur ! 

On voit dans ces exemples, que le problème est complexe !

Que dit l’Accord de Paris ? En résumé :

- Il faut drastiquement réduire les émissions de CO2 (ce devrait même être l’objectif primordial !) mais ne pas déplaire aux pays producteurs de combustibles fossiles, pétrole et gaz 

- Pas question de bannir le charbon, l’Inde qui a peu de ressources, compte sur lui pour assurer sa croissance, l’Allemagne compte sur lui pour sortir du nucléaire.

- La séquestration du carbone figure explicitement parmi les moyens pour atteindre la neutralité carbone, bien que très coûteuse, très difficile à mettre au point et malgré le fait qu’elle déplaise à tant d’écologistes. 

- On ne fait pas l’apologie du nucléaire mais on ne peut pas le bannir non plus : la Chine, les USA, l’Inde et bien d’autres pays comptent dessus (mais pas la France, transition énergétique oblige) ; pas question non plus de l’encourager, l’Allemagne l’aurait refusé !

- Les énergies renouvelables ne sont pas considérées comme une panacée universelle mais sont toutefois mentionnées pour l’Afrique, ensoleillée et dépourvue d’un grand réseau de distribution d’électricité. Ce continent qui est celui où la population doit le plus augmenter au cours de ce siècle (la moitié des Africains n’ont pas connu le XXe siècle ; on parle de 4,2 milliards d’Africains en 2100) attend beaucoup de la manne de 100 milliards de dollars prévus chaque année à partir de 2020 pour développer ces énergies dans les pays « émergents » et financés par les pays « riches » ! La France s’est ainsi engagée à verser 6 milliards d’euros entre 2016 et 2020 pour les énergies propres et l’électricité en Afrique (qu’est-ce qu’une énergie propre ?).

- L’hydraulique pas plus que la biomasse ne sont citées. Pourquoi ? 

- L’efficacité énergétique figure, bien sûr, parmi les moyens essentiels pour économiser l’énergie. Beaucoup de pays, surtout parmi les plus « riches », comptent dessus pour atteindre, au moins en partie, leurs objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre. 

La COP 22 s’est réunie à Marrakech, du 8 au 18 novembre 2016.  

Elle devait être « le trait d’union entre la décision et l’action » mais l’ambiance n’est plus la même qu’à Paris. En effet, le jour d’ouverture de la COP 22, les négociateurs apprennent que Donald Trump est le prochain Président des États-Unis, le candidat républicain qui voulait revenir sur la ratification du fameux accord de Paris, signé de haute lutte dans l’euphorie de la COP 21.

Cette conséquence est évidemment importante, d’autant plus que le président D. Trump est connu pour tenir ses promesses. La suite va d’ailleurs bien aller dans ce sens.

Autre conséquence, le soutien de la Russie est là, tout en mettant l’accent sur un point important, l’augmentation possible du nombre de personnes qui vont tomber sous le seuil de pauvreté en raison de l’application de contraintes qui vont coûter cher à tous.

Durant cette COP 22, tous les pays présents se sont mis d’accord sur une proclamation de soutien à l’Accord de Paris. Évidemment, les aléas politiques font peser des incertitudes sur les positions de tel ou tel pays.

La principale avancée a été la mise en place d’une feuille de route pour les années à venir de façon à accélérer le rythme. Des points d’étape sont prévus pour vérifier la conformité des États vis-à-vis de leurs engagements.

La COP suivante devait avoir lieu aux Îles Fidji. Mais le Président de cet État a affirmé ne pas avoir les moyens de l’accueillir. Elle a donc eu lieu à Bonn (Allemagne) du 5 au 16 novembre 2017. On ne peut pas dire que les choses aient beaucoup avancé après 10 jours de discussion entre les délégués de près de 200 pays. On reporte toujours à 2018 et à la COP 24 réunie à Katowice en Pologne du 2 au 15 décembre 2018. Que faut-il en retenir ? Dans un contexte géopolitique peu propice avec une France très affaiblie en pleine crise des « Gilets jaunes » (même le ministre de la Transition Écologique était absent), la COP 24 s’est en fait limitée à « répéter la demande de mise à jour » des engagements d'ici 2020, déjà formulée dans l'accord de Paris, évoquant toutefois des « efforts pour rehausser les ambitions d'ici 2020 ». Là aussi, comme en 2015 avec l’Accord de Paris, on voit les contraintes.

Durant la COP 24, le Chili a été désigné comme le futur hôte de la COP 25 prévue du 2 au 13 décembre 2019 à Santiago. Cette décision est le résultat de dures négociations, principalement pour savoir comment et qui financera les 100 millions de dollars nécessaires pour organiser une COP. En effet, le Brésil, qui devait l’organiser a déclaré forfait en raison de restrictions budgétaires.

Comme on le voit, l’enthousiasme règne pour l’organisation de ces conférences. Cela est aussi un signe pas vraiment positif. La suivante, en 2020, est prévue à Glasgow, en Écosse.

Et la France dans tout ça ? Alors qu’elle est l’un des pays où les rejets de CO2 sont les plus faibles, elle continue à complexer. Un seul exemple : un grand pays industriel dont les rejets sont 4 fois supérieurs aux nôtres clame très fort qu’il va baisser ses rejets de 30% d’ici 2030. Faisons simple : si ses rejets sont à 100, les nôtres sont à 25. S’il réussit son défi, il sera à 70 en 2030 et se fera applaudir par la planète entière alors que nous, dès aujourd'hui, on est à 25 ! Et, nos politiques décident de diminuer nos rejets d’un facteur 4. Pourquoi ? Pour arriver à 6 quand les autres sont à 70 ? Cela va en effet peser très lourd sur notre économie. Limiter les rejets de CO2, par pays, doit supposer une comparaison entre nations : ce n’est pas raisonnable de demander les mêmes efforts aux bons élèves (comme la France) et aux mauvais. Que ces derniers commencent à nous ressembler et on verra alors ! Mais ce n’est pas ce que l’on fait, hélas...

Cependant, combattre le dérèglement climatique n’est pas le seul défi de ce siècle. Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le vrai problème auquel l’humanité est confrontée est celui de l'épuisement de toutes les ressources naturelles ! Les combustibles fossiles vont continuer à disparaître, toutes sources d’exploitation confondues. Parler de développer de façon drastique des énergies renouvelables comme l’éolien et le photovoltaïque conduira à épuiser les métaux dits rares et composants essentiels des appareils fournisseurs de ces énergies. Est-ce bien raisonnable alors que l’autre défi de la fin du XXe siècle était le développement durable ?

Ces conséquences qui se révéleront dramatiques dans l’avenir sont dues avant tout à l’accroissement de la population mondiale : 230 000 Terriens en plus chaque jour. Et il n’y a aucun signal qui montrerait que cette croissance va diminuer dans l’avenir, bien au contraire.

Là est pourtant le véritable défi ! Toutefois, ces aspects là restent absents des discussions internationales.

Jacques Foos

Jacques Foos est Professeur Honoraire du Conservatoire National des Arts et Métier. Expert scientifique dans les 3 Commissions Locales d’Information (CLI) des installations nucléaires du Cotentin (Orano-Andra-EDF) ; Vice-Président de la CLI d’EDF-Flamanville, et Directeur de la Société Nationale des Sciences de Cherbourg. Depuis 2017, il est responsable de l’enseignement sur le cycle du combustible nucléaire à ENSAM-Paris. Il est notamment l'auteur de "Peut-on sortir du nucléaire ? Après Fukushima, les scénarios énergétiques de 2050" publié chez Hermann.

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