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L’ENS de Lyon ne veut pas être silencieusement suicidée

publié le 05/03/2020

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À propos des effets de la politique de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'ENS de Lyon

L’ENS de Lyon ne veut pas être silencieusement suicidée 

Le jury du Plan d’Investissement d’Avenir (PIA) vient de rendre son avis sur les projets de redéfinition de l’université de Lyon appelé IDEX de Lyon. Ce regroupement fusionnel n'inclut pas l'université de Lyon 2. Elle concerne les universités de Lyon 3 et Lyon 1, l’université Jean Monnet de Saint-Étienne, et l’ENS de Lyon, et il doit parvenir au vote des divers Conseils d’administration des établissements dès le 24 mars 2020 à Lyon 3, et à l’ENS le 17 avril 2020. C’est demain. 

Tout d’abord, il nous faut rappeler ce qu'est la mission fondamentale de cette École. La mission d’une ENS est de repérer grâce à un concours national les excellents élèves des classes préparatoires des lycées, de les former en leur permettant de suivre leurs études tout en étant des fonctionnaires-stagiaires de l’État, statut pour lequel ils signent un contrat de dix années à consacrer au service de l’État. 

L’ENS a formé et forme depuis des décennies des chercheurs, enseignants-chercheurs du supérieur, des hauts fonctionnaires. Elle est une des chevilles ouvrières du rayonnement et du prestige de la science française. Et voici qu’aujourd’hui, on veut faire disparaître cette école nationale dans une université régionale qui aura tout contrôle sur elle. On rappellera que l'université de Lyon 2 ne fait pas partie du dispositif de fusion, l’ensemble de l’enseignement supérieur lyonnais n'étant pas parvenu à fédérer les universités régionales, tout en souhaitant absorber une école à vocation nationale. 

Les statuts qui sont présentés au Conseil d’administration le 17 avril contiennent des exigences inacceptables, et nous demandons que l’ENS se retire de l’IDEX dans ces conditions. 

Ces statuts entérinent en effet les demandes du jury du PIA qui contiennent les réquisitions suivantes : « Le Président nommé (et non élu) de cette université ne donnera pas un simple « avis » mais son « approbation » ou sa « désapprobation » à la désignation du directeur de l'ENS, à la composition des budgets, aux décisions en matière de promotions, des ressources humaines, etc. L’avis du jury se conclut par une demande que nous jugeons particulièrement alarmante, au nom d’une prétendue logique d’hybridation qui va à l’encontre des missions nationales et publiques de l’ENS. 

Voici les exigences qui vouent l’ENS Lyon à sa disparition sous la tutelle de l’Université de LYON ou IDEX : Outre l’article 3 déjà mentionné, à l’article 4 le jury demande ceci : « l'ENS de Lyon doit aller plus loin dans son intégration à l'université-cible et en fournir des preuves concrètes et des garanties, y compris, mais sans s'y limiter, en ce qui concerne les politiques de ressources humaines, le budget commun, les activités de promotion, la stratégie internationale, les classements internationaux. » 

Ce propos est repris par la Ministre, Mme Vidal, dans un courrier d’appui à l’avis du jury. Elle y souligne la « nécessité de rapidement construire une université intégrée, maîtresse de sa stratégie de son budget, de sa politique RH, de sa politique internationale. » Ce qui revient à dire : fusion, soumission et dissolution de l'ENS dans l'Université de Lyon. Explicitement, cette demande d'une intégration plus forte de l'ENS dans l'IDEX lyonnais ne peut signifier qu'une seule chose: la perte de sa liberté de choix dans les recrutements, la fin de l'autonomie budgétaire, et donc le contrôle de l'Université de Lyon sur l'ensemble des prérogatives de l'ENS. 

C'est tout simplement l'arrêt de mort d’une institution nationale et républicaine, que le Conseil d’Administration de l’ENS est invité à entériner. 

Le comble de cette manœuvre a consisté dans un second temps à vanter « l’excellence » du modèle de l’Ecole normale supérieure pour dire qu’elle deviendra le fleuron de cette nouvelle université. On entend transformer l’ENS en « produit d’appel » de la « marque » Université de Lyon au moment même où on la fait disparaître.

À l’heure de la disparition très médiatisée de l’ENA, c’est en toute discrétion que l’on voudrait faire disparaître une Ecole normale supérieure nationale.

Au cours du Conseil d’administration de l’ENS du 16/12/19, le seul et dernier représentant extérieur encore présent lors de la présentation du dossier a clairement exprimé ses doutes et a pointé la question cruciale de l’existence même de notre établissement. Nous partageons cette analyse.

Pour l’ensemble des personnels de l’ENS et pour l’ensemble de ceux et celles qui y ont été et y sont formés, le projet de statuts est inacceptable. La pétition demandant un referendum a été signée par plus de 950 membres du personnel, élèves et étudiants de l’ENS de Lyon. Le temps est venu de refuser ce projet. 

L’ENS de Lyon ne veut pas être silencieusement suicidée.   

Eric DAYRE

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